Energie : ce que la crise du gaz russe révèle

par Romain Blachier militant d’ONG chroniqueur et professionnel dans le domaine de la communication et des énergies vertes

Alors que les pays européens sont confrontés à la perspective d’une interruption des exportations de gaz par la Russie, le plan britannique visant à fermer les gazoducs vers les Pays-Bas et la Belgique risque de compromettre les efforts de coopération internationale en matière d’énergie.

Le régime russe cherche la division chez ses adversaires

C’est exactement ce que le régime russe recherche dans la restriction de ses livraisons de gaz à l’Europe alors que la guerre en Ukraine : diviser les opinions publiques, forcer au chacun pour soi. Si la France, qui en en moins besoin que d’autres, stocke du gaz de façon plus forte que les années passées, c’est pour pouvoir soutenir d’autres pays de l’Union Européenne, à commencer par la Slovaquie, pays particulièrement dépendant au gaz russe (36% de ses dépenses énergétiques totales, pétrole y compris !) ou l’Allemagne.

Mais, face aux opinions qui commencent à se désintéresser du drame ukrainien, devant des perspectives de pénurie et des hausses du tarif de l’énergie, le repli national, l’émiettement du front commun des occidentaux face à Vladimir Poutine peut être tentant.

C’est aussi un jeu dangereux pour l’UK puisque si l’hiver se montre rude comme il le fut il y a 4 ans de façon spectaculaire avec les jours de tempête « The Beast from the east » la Grande-Bretagne se retrouvera coupée d’approvisionnements nécessaires.

L’égoïsme national n’est pas une solution face à la crise de l’énergie

Il n’y, dans la crise de l’énergie actuelle, qu’elle concerne la guerre en Ukraine ou l’avenir de l’énergie, que des solutions globales.

L’UK peut, comme souvent, jouer cavalier seul. La Lituanie peut, avec courage, mais aussi après s’en être donné les moyens, interdire comme elle vient de le faire tout import de gaz russe sur son territoire national. L’Allemagne peut revenir à son démon du charbon. Et l’Italie renforce ses fournitures auprès de l’Algérie.

Mais les solutions sont globales.

Le renforcement des capacités de stockage de gaz, qui vient d’être adopté par l’Union Européenne va dans le bon sens. Elle prévoit que :

  • les opérateurs fassent remplir les installations de stockage souterrain de gaz à hauteur de 80% au moins de leur capacité avant le 1er novembre 2022(le niveau de remplissage à l’échelle de l’UE se situe actuellement juste au-dessus de 50%) ;
  • les États membres diversifient les sources d’approvisionnement en gaz
  • que l’Union Européenne et les états-membres prennent des mesures en faveur de l’efficacité énergétique.

Le niveau de stockage du gaz dans chaque État membre de l’UE étant très variable, l’équité était une préoccupation majeure lors des négociations.

Certains pays disposent de grandes capacités (Autriche, Lettonie, Hongrie, Slovaquie). En revanche, les pays ne disposant pas d’une grande capacité de stockage doivent conclure des accords avec les autres États membres pour qu’ils stockent les quantités de gaz nécessaires pour eux.

Aucune stratégie du gaz ne saurait être purement nationale

La stratégie européenne de l’Energie présentée en mai dernier de 300 milliards d’euros s’articule autour de trois piliers : économies d’énergie, développement des renouvelables et diversification des fournisseurs de gaz et de pétrole. Elle est là aussi rendue possible par le dépassement des frontières nationales. Et elle est un moment de révélation de la solidarité européenne dans cette crise.

Tout comme le raccordement de l’Ukraine au réseau électrique européen, effectué en un temps record, notamment grâce à l’action de RTE, avait été un révélateur.

Certes, il faudra, ce n’est pas le meilleur moment, poser un jour la question globale du transport mondial de gaz naturel liquide (GNL) qui, au passage, est un moyen pour l’Inde, membre du Commonwealth, de revendre discrètement du gaz russe à l’Europe, en prenant sa marge. Mais qui est ces temps-ci un moyen de diversifier davantage nos approvisionnements. Mais en passant par de forts polluants cargos. Et cela ne se fera pas non plus derrière des frontières nationales.

Tout comme les solutions préconisées par l’Agence Internationale de l’Energie (amélioration de la productivité de la biomasse, développement massif du solaire, remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur, flexibilité et décarbonation du système électrique, etc.) ne se feront pas massivement sans une stratégie européenne.

À l’heure de la crise du gaz russe, plus que jamais la solution est européenne et globale et non derrières nos frontières nationales.

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